L'Adieu
Seras-tu toujours là quand, dans mon crépuscule
Les ombres du couchant viendront pour me chercher;
Quand demain ne sera qu’ une aube minuscule
Et que la mort tiendra ma main sans la lâcher ?
Quand déjà le fracas d’une nuit rugissante
Emportera mon âme au delà des éons;
Quand ma plainte sera une ombre assourdissante
Faisant trembler les murs des sombres panthéons,
Sauras tu deviner sous ma paupière close,
Cette larme d’adieu qu’aucun ne pourra voir,
Restant là, suspendue, obscure, à peine éclose,
Guettant l'éternité pour se mettre à pleuvoir ?
Si, sur mon front glacé, je perçois ta prière,
Je partirai sans bruit dans les brumes du jour,
Sans plus me retourner, sans regarder derrière,
En sachant qu’il nous reste à chacun notre amour.
Sur les quatre chemins des vies anéanties,
Je chercherai sans fin par où doit s’avancer
Ton âme, où j’attendrai, les mains appesanties
De bouquets étoilés et d’aubes à lancer
Et sans se reconnaître, et dans une autre vie,
Notre amour impatient renaîtra de sa souche;
Et l’on verra cet ange à la mine ravie
Cligner en se posant l’index sur la bouche.
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