Métamorphose
Le jour brinquebalait mon fantôme sans âme;
Je redoutais son chant comme un sombre fléau,
Et la nuit m’apportait, sur une écume infâme,
L’impression de sombrer quand mes yeux prenaient l’eau
L’affliction de mon coeur obscurcissait le monde,
Érigeait des remparts,inhibait mes élans,
Et creusait sous mes pieds une fosse profonde,
Dont j’aspirais bientôt l’étreinte de ses flancs
J’étais aveugle et sourd aux dons de la nature;
Je bannissais le nombre, abominais son sort,
Et j’accablais ce dieu qui m’offrait en pâture
Aux désespoirs des jours où n’éclos nulle mort
En ces temps, j’écrivais des sanglots et des larmes,
Des matins sans soleil, des déclins abyssaux,
Opposant mes fracas aux silences des carmes,
Comme s’il eut fallu qu’on me jette au ruisseau
Puis un matin d’avril,sur les plus hautes branches,
J’avisais, confondu,des bourgeons et des fleurs,
Des friselis d’oiseaux et des aubades blanches
Que lançaient hautement des passereaux siffleurs
Ainsi,je retrouvais ma conscience première,
Brûlais mes requiem et mes thrènes dolents,
Échangeais mon crayon contre un brin de bruyère
Pour suspendre mes mots aux queues des cerfs-volants
C’est ainsi qu’aujourd’hui, en retrait je griffonne,
Glanant à l’étendue, au risque d’un affront,
Tous les mots que parfois mécontent je chiffonne
Pour que d’autres s’enfuient réjouir votre front.
§ - § - §