Souvenance
Sous un ciel immobile où les oiseaux se posent
Quand les blés dans les champs mollement se reposent
Quand tout semble éthéré, que tout est silencieux
Quand l’ouvrage accompli s’élance vers les cieux
Un souvenir surgit des maux qui le composent
C’est un chemin boiteux, une ride incertaine
Une plainte qui longe une époque lointaine
C’est un tourment du temps qui soudain s’épaissit
Qui s’en vient, qui s’en va, comme l’orbe indécis
D’une étrange langueur qui sourd d’une fontaine
Imperceptiblement et presque sans visage
Il s’affirme et se tient au coeur du paysage
Je devine un regard; je suppose une voix
C’est un passé lointain, soudain, que j’entrevois
Par le temps anobli, vertueux et sans âge
Il émane de lui la paix d’un autre monde
Où la beauté se fond dans l’essor de l’aronde
Où le rire se tend jusqu’à toucher le ciel
Et l’effleure sans bruit dans un baiser véniel
Sous le regard froncé des passants à la ronde
Des coeurs illuminés ; un jupon blanc qui danse
Et le soleil joyeux qui coule en abondance
Mais aux couleurs d’antan se mêlent des amours
Aux sombres dénouements que je porte toujours
Dans un repli du coeur que j’ouvre en confidence
Aux vents du soir venu, le songe m’abandonne
S’altérant doucement tel un glas qui bourdonne
Et dans ma solitude insipide et sans fin
Il ne concède rien, ni ruban, ni parfum
Comme un amour déçu, qui reprend ce qu’il donne
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